Une agent des Services secrets britanniques au collège

Madame Noreen Riols a rencontré les élèves de 3e

(actualisé le ) par M.Pelluet

Vendredi 17 janvier 2020, le collège a reçu Madame Noreen Riols, romancière et conférencière britannique. Elle fut membre du Special Operations Executive (SOE) section F (France) pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Tous les élèves de 3e ont assisté à la conférence et ont ensuite pu poser des questions.

Le SOE, « Â Direction des opérations spéciales  » était un service secret britannique créé en juillet 1940 par W. Churchill. Il avait pour mission de soutenir les divers mouvements de résistance des pays d’Europe occupés par l’Allemagne ainsi que, progressivement, de tous les pays en guerre.

Madame Riols affirme ne pas savoir très bien pourquoi elle a été choisie pour cette mission.
A 18 ans, elle eut le choix de travailler dans une usine d’armement ou pour l’armée. Elle choisit l’armée, très exactement le Women’s Royal Naval Service. Lors de son recrutement, un officier lui posa des questions en quatre langues (anglais, français, allemand et espagnol) et, constatant sa maîtrise parfaite du français, l’envoya travailler à Baker Street, le siège du SOE. Elle ignorait de quoi il s’agissait, pour elle « Â c’était une maison de fous dirigés par Louis de Funès  »Â !

Après les tests de sélection, les agents devaient suivre six mois d’entraînement. Ils devaient être capables de survivre dans la nature, transmettre des messages, saboter des installations, tuer, sauter d’un train, sauter en parachute. A l’issue de cet entraînement, tous ne partaient pas.

Noreen Riols étaient chargée, notamment, de tester les nouvelles recrues : seule avec l’un d’eux et sous une fausse identité et qualité, son rôle était d’éprouver sa capacité à se taire sur ses activités et ses missions.

Sa vie, dit-elle, était un mensonge, du début à la fin.
Elle était également employée pour des filatures, pour faire circuler des messages par journaux interposés ou en les laissant dans des cabines téléphoniques...

Les agents qui partaient devaient apprendre par coeur une « Â cover story  »Â : leur nouvelle identité, leur métier, leur nationalité… Ils devaient être capables de répéter cela quelles que soient les circonstances, l’heure, leur état de santé…
Ils étaient tous volontaires et n’attendaient aucun bénéfice de leur mission. Les plus jeunes avaient 19 ans, les plus âgés, 37. Parmi eux, il y avait beaucoup de juifs et les missions en territoire occupé étaient encore plus périlleuses pour eux.

La mission la plus dangereuse était celle de radio. Ils ne devaient pas émettre plus de 15 minutes à la fois et jamais deux fois du même lieu. Ils devaient donc rechercher sans cesse de nouvelles maisons pour les accueillir. Les personnes qui leur offraient cette aide prenaient de grands risques. Ils arrivaient aussi qu’ils trahissent ceux qui avaient cru en leur aide désintéressée.
L’espérance de vie d’un radio était de six semaines…
Les agents partaient par groupe de trois  : un organisateur, un radio et un coursier (chargé, notamment de transporter la radio). Ce petit groupe formait un réseau qui recrutait des personnes de la localité pour former une armée qui combattrait après le débarquement. Ce réseau ne connaissait pas les réseaux voisins. Cette façon de compartimenter étant une protection en cas d’arrestation. Au départ, les femmes n’étaient pas recrutées puis on se rendit compte qu’il leur était plus facile d’échapper aux Allemands que les jeunes hommes ; on se méfiaient moins d’elles, elles étaient moins visibles : une femme avec un grand panier revient du marché… un homme avec un gros bagage est suspect...

Tous les soirs, la BBC transmettait des informations et, à 19 h, des messages personnels apparemment absurdes : « Â La chèvre de la voisine a mangé les caleçons de grand-père  ». Ces phrases rendaient fous les services secrets allemands qui voyaient là un système de codage particulièrement élaboré.
Cela annonçait un parachutage (d’armes, de documents voire de personnes) et l’ajout d’une couleur dans la phrase indiquait le jour.
Les parachutages étaient soumis à la lune, seule source de lumière pour ces vols et n’étaient donc possible que douze jours par mois. Si la météo était mauvaise, le vol devait être reporté au mois suivant…

819 agents ont été parachutés, 655 ont été rapatriés, 681 volontaires pour le Maquis ont voyagé ainsi, plus, bien sûr, des armes, des postes émetteurs, des vêtements de combat.

Jean Moulin a utilisé ce moyen pour faire l’aller-retour entre la France et le Royaume Uni.
Ces vols étaient extrêmement dangereux pour les pilotes. Ils ont été 600 à perdre la vie et un grand nombre ont très gravement été blessés aux mains et au visage. Certains ont dû finir leur vie dans des institutions et n’ont jamais repris une vie normale.

Tous les agents qui quittaient le Royaume Uni pour une zone occupée, recevaient une capsule de cyanure qu’ils avaleraient s’ils étaient pris par l’ennemi. Personne ne peut savoir, à l’avance, ce qu’il est capable d’endurer, or, parler sous la torture mettait en danger un grand nombre de personnes.

Question des élèves à Mme Riols :
  Quel était votre nom de guerre ? Je m’appelais Jane Wilson

 Avez-vous eu peur de mourir ? Non, car, quand on a 20 ans, on est immortel, ce sont les autres qui meurent… et, pendant la guerre, la mort est quelque chose de banal.

 Après la guerre avez-vous continuer à voir des personnes des services secrets ? Non, je voulais tourner la page. Plus tard, j’ai fréquenté un Club à Londres où l’on se retrouvait.

 Avez-vous vécu les bombardements à Londres  ? Oui, toutes les nuits pendant deux ans…

 Quelqu’un savait-il ce que vous faisiez ? Non, absolument personne. Ma mère ignorait totalement mes activités, elle croyait que je travaillais au Ministère de l’Agriculture et de la Pêche. Elle est morte avant de savoir. On mentait même aux autres agents. Mes enfants ont appris tout cela quand le livre est sorti il y a 5 ans.

 Si vous pouviez retourner dans le passé, referiez-vous la même chose ? Oui, sans hésitation.
Le regret est la plus petite des émotions, il ne sert à rien, il faut accepter les choses.

- Que devenaient les personnes renvoyées, qui n’intégraient pas les services secrets ? Les personnes qui avaient parlé inconsidérément étaient envoyées dans un château en Ecosse, ils vivaient là sans aucune référence au temps... jusqu’à ce qu’ils oublient.

  Après la Guerre, les agents ont-ils continué à travailler pour les services secrets ? Non, après la Guerre, aucun agent n’a voulu continuer. Ils étaient vraiment des amateurs et sont retournés à leur vraie profession : avocat, instituteur, mère au foyer… En récompense, ils ont eu un mois de salaire et un « Â Au revoir  »Â !

  Jusqu’à quelle date avez-vous dû garder le secret ? Nous étions liés par le secret jusqu’en 2000. Rappelez-vous qu’il y a eu la Guerre Froide. On avait peur d’une troisième Guerre Mondiale.

Ma vie dans les services secrets - L’école des espions de Churchill de Noreen Riols. Calmann Lévy, 2014